A Montpellier cette année, il y a aussi le meilleur buteur de Ligue 1, et le président le plus emblématique. Et pas facile de se faire une place parmi ces fortes têtes. Même si lui-même entre sans contestation dans cette catégorie. Forte tête à tendance « grande gueule », René Girard jouit cependant d’un excellent capital sympathie dans le monde du football. Évidemment, son bilan est inattaquable : une qualification en Ligue Europa en 2009-2010 dès sa première saison avec le MHSC (tout juste promu !), il est en passe de mener le club de la Paillade à son premier titre de champion de France. Mais avant cela, le moins que l’on puisse dire c’est que la carrière de René Girard a été rythmée par les coups de sang.
1973-1991 : Une carrière de joueur rugueux
Originaire de Vauvert dans le Gard, il débute sa carrière professionnelle avec le Nîmes Olympique en 1973. Dès le début de sa carrière, il s’impose comme un milieu défensif dur sur l’homme, qui n’hésite pas à laisser traîner la jambe. Sans pour autant être sanguinaire, ce n’est pas le genre à « faire le voyage pour rien ». Il prend une nouvelle dimension avec les Girondins de Bordeaux en 1980, et gagne notamment trois titres nationaux et deux Coupes de France. Sa combativité lui ouvre les portes de l’Équipe de France, avec laquelle il jouera cinq matches et marquera un but entre 1981 et 1982. Il assiste notamment du banc au fameux cataclysme France-Allemagne à Séville en demi-finale de Coupe du monde. En fin de compte, il aura été fidèle à son premier club, Nîmes, et retourne auprès des Crocodiles pour terminer sa carrière entre 1988 et 1991. Il raccroche les crampons pour endosser le costume d’entraîneur du club, alors menacé de relégation, six mois après.
1991-1992 : Double reconversion : entraîneur puis buraliste
Sa mission première est un échec cuisant. Dix matches, dix défaites. C’en est trop pour le caractère bouillant de René Girard qui claque la porte au football. Il ouvre un presse-loto à Nîmes et semble avoir définitivement tourné la page. C’est sans doute l’exemple le plus frappant du caractère du Gardois qui, sans pour autant être vraiment mauvais joueur, ne supporte pas que son image puisse être écorchée. Après quelques années passées derrière le comptoir, il est cependant rappelé par sa passion de toujours et devient entraîneur de Pau en 1996.
1996-1998 : Le temps de l’entraîneur sanguin
On ne retiendra pas grand-chose de son passage à Pau, si ce n’est peut-être ses fameuses gueulantes sur ses joueurs. La légende dit même qu’il pousse ses joueurs à « casser des jambes ». Sa mauvaise réputation le précède, mais ses compétences en tant que coach commencent à le faire connaître et lui sauver la mise. En 1998, il est appelé en renfort pour sauver le RC Strasbourg. Même configuration qu’avec Nîmes, mais issue totalement différente. Cette fois, l’objectif est atteint, Strasbourg reste en Division 1 mais René Girard ne reste pas au sein du club alsacien. Pour la première fois dans sa carrière d’entraîneur, son mandat est teinté de réussite et il est recruté par la Fédération pour devenir entraîneur adjoint aux côtés de Roger Lemerre qui remplace Aimé Jacquet.
1998-2008 : Dix ans qui se finissent par : « Houllier va te faire enc… »
Longtemps entraîneur des différentes Équipes de France (-16, -19, Espoirs), on se souviendra surtout de sa retentissante sortie ! Poussé dehors par Gérard Houllier, directeur technique national, il n’accepte pas son éviction et n’hésite pas à sortir les gros mots pour qualifier son ancien supérieur. Même quatre ans après, la pilule n’est toujours pas passée et ses propos sont toujours aussi velléitaires quand on lui reparle de cette période. Lui considère avoir été « trahi », victime d’un véritable putsch au profit d’Erick Mombaerts. A deux doigts de quitter de nouveau le football, pour de bon cette fois, il est appelé en 2009 par Louis « Loulou » Nicollin, pour assurer l’avenir du Montpellier Hérault Sporting Club, fraîchement promu en Ligue 1.
2009-2012 : Le temps de l’assagissement
René Girard a toujours cette réputation de gueulard. Mais ceux qui le connaissent depuis longtemps et qui l’ont notamment vu coacher à Pau savent combien il était pire avant !
Ses deux premières saisons sont tout de même marquées par l’agressivité de ses joueurs. Le MHSC finit dernier au classement du fair-play en 2010-2011, à cause notamment du célèbre attentat de Spahic sur Nolan Roux qui lui a valu pas moins de 17 matches de suspension. Cette année c’est différent, la place inattendue du club de la Paillade l’a obligé à réviser son comportement. Fini le temps des sorties assassines dans la presse, des attaques sur son groupe et des coups de gueule contre l’arbitrage. Il faut croire que lorsque qu’on côtoie les hautes strates du championnat, il est moins bien vu de passer pour un chien enragé. Alors évidemment il n’a rien perdu de son franc-parler, mais sans doute les circonstances font que les conférences de presse sont plus paisibles. D’un côté c’est logique, plus on gagne et moins on râle.
Avec lui, les nerfs parlent souvent avant que le cerveau réfléchisse. Qu’on aime on pas, c’est le genre de personnalité qui suscite une réaction. S’il accroche le titre avec Montpellier, ce qui est très probable vu la configuration de la dernière journée, il gagnera le cœur de nombreux Français, car il aura à lui seul battu le PSG et sa machine qatarie. Certes il est à la tête de joueurs qui se connaissent bien, mais ce groupe il l’a lui même forgé de ses mains de fer.
C’est donc un parcours atypique qu’a vécu René Girard, un parcours durant lequel il a dû gérer ses ambitions et son caractère impulsif. Mais il est en passe de réussir un très gros coup, et on ne voit pas comment le titre de meilleur entraîneur de la saison pourrait lui échapper. Avec sans doute plus de 80 points au compteur final, Montpellier aura marqué toute l’année par son jeu et non par son agressivité. Et à la fin, Montpellier sera peut-être champion. La belle histoire de cette saison 2011-2012.