Marion, c’est l’âme en peine que je t’écris cette lettre. Une petite bafouille comme disait Pierre Perret. Hier, tu nous as annoncé ton souhait de te retirer des affaires tennistiques. Certains sont abasourdis par cette nouvelle, d’autres se réjouissent de ton départ. Je fais partie de la troisième catégorie. Depuis le début de la saison, je te vois hésiter, virer de bord, changer de capitaine pour tenter de mener ta petite barque. Même ton sacre sur le gazon anglais en juillet résonnait pour moi comme un dernier souffle avant le chavirage. Parlons-en de Wimbledon.
Ton épopée a mis en exergue toute la contradiction que tu suscites parmi les Français. A en croire l’opinion générale, tu es le vilain petit canard du sport tricolore. Au moment de ta finale contre Sabine Lisicki, tout le monde était bien embêté. « Doit-on supporter la Bartol’, une Française, même si on ne l’aime pas ? », voilà le dilemme chauvin que tu imposais aux supporters primaires. Je ne vais pas te mentir, j’ai longtemps détesté ton comportement. La mise à prix de ta tête a commencé après ton refus de rejoindre l’équipe de France pour la Fed Cup, car l’honorable fédération ne voulait pas céder à ton caprice : caler ton père dans le staff (et non l’inverse). Depuis, ta relation avec le public et la presse s’est dégradée, sans jamais retrouver l’éclat qu’elle avait quand tu étais encore espoir.
Mais au final, que connaissons-nous de toi ? Combien de personnes ont jugé ou critiqué ta relation avec ton père sans rien y connaître ? Qui sommes-nous pour savoir ce que tu as à faire ? J’aimerais bien voir la tronche du Français lambda si tu venais lui expliquer que son changement de poste au sein de son entreprise est un mauvais choix de carrière. Pareil pour la presse. Le refus de porter le maillot de son équipe nationale est impardonnable, certes, mais tu as évolué depuis, et tu es revenue sur ta décision. Personne n’appréhende vraiment la difficulté de gérer des conférences lorsqu’on sait que la plupart des gratte-papiers présents dans la salle guettent le faux pas. En lisant entre les lignes des nombreuses interviews que j’ai pu lire, je crois comprendre que tu as été autant vampirisée par ton papa que par l’amour ingrat que te porte la France. Mais encore une fois, ce que je pense n’a pas beaucoup d’importance, car j’ai toutes les chances de taper à côté de la vérité. Quand je vois que certains sont même allés jusqu’à critiquer ton physique, je me dis que tu as bien raison de tourner le dos à cette belle bande de truffes. Aujourd’hui tu as choisi de raccrocher ta raquette, et beaucoup ont le culot de s’ébahir.
Peut-être que finalement, ils ont aimé t’aimer.
Tu vois, je suis chafouin car j’ai écrit au fil de la plume, et je n’ai même pas parlé de tennis.
Marion, grosses bises, et bon vent,
Stephen.