Ces temps-ci, les hommes au sifflet sont souvent critiqués. Ce week-end la 25ème journée a été le théâtre de pas moins de trois polémiques, et les dirigeants de clubs n’hésitent plus à fustiger les décisions arbitrales. Comme si les arbitres avaient perdu leur statut d’intouchables…
Franck Dumas à Caen, Didier Deschamps à Marseille et la paire Aulas/Garde à Lyon sont montés au créneau ce week-end. Certains se sont excusés depuis, comme Dumas, certains savent qu’ils ont tort, et certains ont raison. Mais qu’ils aient raison ou tort, ça fait presque un match sur trois entaché de réactions virulentes. Jean Michel Aulas, grand habitué des déclarations incendiaires, a déclaré : « Les problèmes avec M. Fautrel ne datent pas d’aujourd’hui, S’il ne se sent pas bien quand il arbitre Paris, il faut mettre un arbitre différent. La remontée spectaculaire du PSG au score n’aurait pas eu lieu objectivement sans un laxisme orienté Je le regrette car Paris fait partie des équipes amies (de Lyon), mais ce n’est pas parce qu’il y a beaucoup d’investissements à Paris (…) qu’il faut arbitrer dans le même sens, vers ce qui brille le plus. »
Le corps arbitral ne fait plus peur, tout comme les sanctions prises à l’encontre de ceux qui contestent ses décisions. A chaque fois, les acteurs de ces sorties médiatiques sont convoqués par le Conseil national de l’éthique pour rendre des comptes, mais ça non plus ça n’inquiète plus personne.
La vidéo est toujours le nerf de la guerre
Le problème est là. Aujourd’hui, dans le football, l’arbitre ne bénéficie plus de cette sainte image et de la crédibilité qui lui est dû. Pour une simple raison : la vidéo. Avant, trois paires d’yeux jugeaient les fautes et les hors-jeu. Maintenant, toutes les actions sont décortiquées par quatre caméras, les ralentis, et les millions de paires d’yeux qui les regardent. Au vu de ce fait là, comment peut-on jeter la pierre à ceux qui ne peuvent pas profiter de tous ces angles ? Les arbitres ne peuvent pas lutter contre l’évidence de la vidéo, car toutes leurs erreurs sont mises en lumière. Souvent, les dirigeants reviennent sur le match et les décisions après avoir vu les images ou reçu un appel, prenant même parfois les commentateurs à partie. « Toutes les télés disent qu’il y a hors-jeu », disait Rudi Garcia. Les arbitres reviennent même parfois sur le match et effectuent leur mea culpa après avoir revu les matches. L’arbitrage semble être la dernière facette du football à ne pas évoluer dans un sport que les technologies ont métamorphosé.
Errare humanum est
Sénèque avait raison, l’erreur est humaine. En prenant un peu de recul, on ne peut reprocher aux arbitres de manquer une faute. Mais comment reprocher à un entraîneur de remarquer une erreur, quand celle-ci provoque la défaite de son équipe, avec tous ce que cela implique ? Les enjeux économiques et commerciaux du football ont depuis longtemps surclassé les enjeux sportifs. Aujourd’hui, seul l’immobilisme des instances qui le dirigent le ramène à une dimension humaine beaucoup trop lourde pour les deux seules épaules de l’homme en noir. Quoi que disent les critiques, et malgré les mea culpa, les décisions prises lors d’un match ne changent jamais. Les arbitres restent seuls juges efficients pendant le match, et leur sifflet demeure l’unique maillet de la justice.
Tant que les arbitres n’auront pas les mêmes moyens techniques que les gens qui les conspuent, le combat sera trop inégal.
S.