La bombe Contador

Plus personne ne croyait à une sanction, et pourtant. Le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) a condamné hier Alberto Contador à deux ans de suspension. Retour sur 18 mois d’indécision.

C’est la fin d’une triste affaire dont le cyclisme se serait bien passé. Alberto Contador, champion parmi les champions de la discipline, vient d’éclabousser le monde du vélo d’un nouveau scandale. Contrôlé positif au Clenbutérol en juillet 2010, il a d’abord tout nié en bloc et donc provoqué un long procès qui s’est achevé hier par le plus lourd verdict possible. 2 ans de suspension et le retrait de tous les titres acquis depuis le contrôle, dont notamment le Tour de France 2010. Pourtant, les spécialistes pensaient que l’espagnol bénéficierait d’une protection de l’Union Cycliste International. Mais  les trois juges du TAS ont décidé de lui retirer tous ses titres depuis le contrôle et de le suspendre jusqu’en août prochain. La rétroactivité a pour effet d’alléger la peine, dans la mesure où les mois d’intersaison sont décomptés comme des mois de suspension.

Une double peine ?

Outre la suspension sportive, « El pistolero » a écopé d’une amende parallèle d’environ 2,5 millions d’euros, correspondant aux prix qu’il a accumulés lors de ses victoires retirées. Mais cette sanction est indépendante de la première, et le coureur espagnol peut encore faire appel auprès du tribunal fédéral suisse. Cette « double peine » semble logique car elle accompagne le jugement. Reste à savoir si le coureur espagnol voudra risquer de remettre la lumière sur son affaire alors qu’il n’a que peu de chances d’obtenir gain de cause.

La chute de l’invincible

Avec Contador, c’est évidemment toute la planète cyclisme qui est secoué. Il est considéré comme l’un des meilleurs grimpeurs au monde, et semblait invincible. Vainqueur du Tour de France en 2007, 2008 et donc 2010, et vainqueur du Tour d’Italie 2011, il abordait la Grande Boucle en conquérant. Mais, sans doute secoué par les suspicions qui planaient au dessus de sa tête, il ne finit que 5è. Ce mauvais résultat sonne comme une sorte d’aveu. Pas sûr que le champion originaire de Pinto, en banlieue de Madrid, revienne à son plus haut niveau après toute cette histoire. Moins incisif physiquement, moins rayonnant mentalement au sein de son équipe Astana, il va devoir gérer la vague de critiques qui va de nouveau déferler sur lui après ce verdict. De plus, il n’est même pas certain de reporter un jour le maillot d’Astana, et il sera intéressant de voir si les autres équipes vont se bousculer pour le récupérer en cas de rupture de contrat par l’écurie kazakhe…

S.

Actes racistes et homophobes dans le sport : peut-on lutter à petite échelle ?

« Le sport est un vecteur de respect, de citoyenneté, de tolérance. » Cette phrase résonne comme la plus forte au sortir de notre entretien avec Arnaud Kenigsberg, chargé de mission sport à la Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA). Si cette phrase est exacte par définition, elle implique un revers de la médaille important. En effet si ces valeurs ont toujours fait la force du sport en général, son aspect populaire le rend sujet aux actes racistes. Aujourd’hui, tous les problèmes d’inégalités sont dus au caractère public du domaine. Et quand on parle d’une matière aussi populaire que le sport, évidemment l’ampleur est énorme. Quelles soient de type raciste ou même homophobe, les violences sont étroitement liées à la visibilité du sport en question, et donc à son rayonnement.

Simplement comment faire pour lutter contre le racisme et l’homophobie dans le sport ? De son côté, la LICRA coordonne les actions organisationnelles, reçoit et traite les plaintes et assure le relai français de l’association FARE (Football Against Racism in Europe). D’autres associations comme la FSGL (Fédération Sportive pour les Gays et Lesbiens), s’occupe de tout cela en termes de violences homophobes. Mais les actions individuelles peuvent-elles porter leurs fruits ? Est-il possible de freiner le racisme et l’homophobie en agissant à la plus petite des échelles ?

Déjà, il faut bien comprendre la synergie entre la démocratisation d’un sport et le nombre des actes racistes qui y sont affiliés. M. Kenigsberg nous précise que si 100 actes ont été répertoriés par la LICRA en 2010, c’est une infime minorité compte tenu du pourcentage d’actes qui ne sont pas dénoncés. C’est le premier levier d’action disponible pour tous. Les actes racistes et homophobes ne sont que trop rarement révélés aux associations. Alors lorsqu’on est témoin d’un de ces actes, que ce soit sur un lieu d’entraînement, dans un stade ou tout simplement en loisir, il faut garder en tête que la victime n’ira peut-être (sans doute ?) pas raconter l’agression.

Deuxième levier d’action, éviter les effets de masse. Moins médiatisés que les actes racistes dans les stades par exemple, les lynchages dans les centres d’entraînements sont pourtant très nombreux. Et dans ce cas, la principale faute, c’est de penser que « ce n’est pas grave, ce n’est que de l’humour ». Les moqueries peuvent faire partie de l’humour, mais il faut s’assurer que tout le monde, et donc surtout la cible des quolibets, l’entend de cette manière. Oser s’interposer face à la masse et prendre parti pour défendre la victime peut-être primordial, car cela peut inciter d’autres personnes qui ne disent rien uniquement pour faire comme le groupe. De plus, cela peut convaincre la victime de dénoncer ces actes, ou même d’autres commis auparavant.

Evidemment, l’endroit où les actes racistes sont les plus visibles reste les stades de football. Encore une fois, il faut se rappeler de la connexion entre le caractère populaire d’un sport et le nombre des actes de violence. Ce n’est pas l’essence même du football qui incite ces actes, mais le fait que ce soit le sport le plus suivi en France. Au-delà du plus grand nombre dû aux plus nombreux pratiquants, le moindre fait ou la moindre parole raciste est tout de suite éclairé par le rayonnement médiatique. Prenons l’exemple du rugby, un sport dont le nombre de licenciés et de supporters augmente d’année en année ces temps-ci. Les associations contre le racisme et l’homophobie s’accordent à dire que cette augmentation est accompagnée d’une hausse des actes de violence recensés dans les stades. Le troisième levier d’action est donc la prohibition des paroles racistes ou homophobes dans les stades. En se basant sur la même mécanique que l’effet de masse, il faut garder à l’esprit que la plupart des gens proférant des insultes par exemple ne le font que par effet de groupe, et ne sont pas eux-mêmes racistes ou homophobes. Savoir dire non ou savoir dénoncer de tels actes, c’est aider les victimes d’une part, mais peut-être aussi faire germer l’idée dans d’autres têtes que tout le monde peut agir.

Ces trois leviers semblent bien-sûr anecdotiques, mais il faut croire en l’effet papillon. Une petite action peut en mener une autre, et le nombre d’actes recensés est en augmentation. Cela ne veut pas dire que le nombre d’actes racistes ou homophobes augmente, mais que les gens prennent conscience qu’il faut les révéler. Il ne faut donc pas hésiter à ajouter sa pierre à l’édifice, et commencer à lutter à son échelle, pour pourquoi plus tard recevoir un LICRA d’or, récompense accordée tous les mois aux plus méritants. C’est le moyen le plus efficace pour que le sport reste, comme le dit M. Kenigsberg, « un modèle d’intégration, de mélange des cultures et de mixité sociale ».

S.